Le statut d’entreprise à mission permet aux organisations de faire de leur cœur de métier un véritable engagement pour la société et/ou l’environnement, avec un impact énorme à la clé. L’écueil du green ou social washing n’est cependant jamais bien loin. Nous vous livrons quelques clés pour donner de la substance à votre raison d’être.
Alors que nous traversons des crises multiples de grande ampleur interconnectées par leurs enjeux – sanitaires, sociaux, économiques, écologiques, politiques, de l’information – il semble logique et urgent que toutes les parties prenantes se mobilisent pour le bien durable du plus grand nombre. L’engagement des politiques revient à leur raison d’être, quoiqu’il y ait des désaccords idéologiques entre bords et partis sur les modes opératoires ; celui des citoyens est marketé à outrance sous la forme de « petits gestes », parfois, certes, accompagné de culpabilisation contre-productive ; reste celui des entreprises, contre-intuitif car les considérations citées plus haut sont traditionnellement vues comme des freins au business as usual, mais pourtant crucial étant donné leurs rôles tant d’employeur que de producteur et vendeur de biens et services. Cet engagement est d’autant plus central que les entreprises sont grandes, car cela démultiplie le nombre d’acteurs dans leurs écosystèmes, et donc leur impact.
Des entreprise en manque d’impact et en quête de sens
Lorsque l’on parle d’impact des grandes entreprises, on a tendance évidemment à davantage penser à leurs impacts négatifs : exploitation à outrance des ressources terrestres, exploitation humaine, et lobbying pour la défense de leurs propres intérêts financiers et matériels. Bien-sûr, les entreprises ne sont pas nuisibles par essence : elles sont après tout dirigées et composées d’individus qui, pour la plupart, ont à cœur la préservation de la dignité humaine et de la nature. Ce sont bien davantage leurs modes de fonctionnement traditionnels, basés exclusivement sur la quête de profit couplée au mythe collectif de la croissance, qui sont problématiques.
En outre, le management selon un mode capitaliste financier, loin de créer le fameux ruissellement que l’on attribue originellement à Adam Smith, menace les unités des entreprises en rapprochant davantage les intérêts des dirigeant de ceux des actionnaires et en creusant les écarts de salaires au sein des structures. Or, la société a généralement besoin, ou, a minima, est en demande des produits et services proposés par les entreprises, et la réalisation de soi par le travail reste clé dans l’épanouissement individuel : elle joue un rôle central dans la vie de chacun. En effet, d’après un sondage de l’IFOP en 2016, 51 % des Français considèrent qu’une entreprise doit être utile pour la société dans son ensemble, devant ses clients (34 %), ses collaborateurs (12 %) ou ses actionnaires (3 %).
Le statut d’entreprise à mission pour répondre aux nouveaux enjeux sociétaux
D’où la création du modèle des entreprises à mission. Concrètement, il s’agit d’entreprises dont la finalité sociétale et/ou environnementale est inscrite dans les statuts, aux côtés du but lucratif. Ces formes de sociétés ont vu pour la première fois le jour en 2010 aux Etats-Unis, afin de protéger juridiquement les initiatives sociales et responsables des entreprises face aux exigences de rentabilité des actionnaires.
En France, c’est avec la loi dite PACTE (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) du 22 mai 2019, visant à repenser la place des entreprises dans la société, que les entreprises à mission font leur entrée sur le terrain juridique en France. Cette loi permet notamment aux entreprises qui le souhaitent de se doter d’une raison d’être dans leurs statuts. Celle-ci définit l’objet social de l’entreprise sur le long terme. La qualité d’entreprises à mission nécessite, outre l’inscription d’une raison d’être, celle d’un ou plusieurs objectifs sociaux ou environnementaux dans les statuts de l’entreprise. La mention « société à mission » est alors inscrite dans le répertoire Sirene, la base de données des entreprises et des établissements, gérée par l’Insee. L’exécution de ces objectifs est ensuite vérifiée par des organismes tiers indépendants.
Un statut qui souffre d’écueils
Ce nouveau statut peut cependant être à double-tranchant : la qualité d’entreprise à mission est en effet une aubaine pour de grandes structures peu connues pour leur éthique et préoccupations sociales et environnementales. Les green washing, social washing et autre fair washing ne sont jamais de trop pour préserver son image de marque ou la redorer auprès du grand public. Plusieurs questions se posent alors sur le réel apport positif des entreprises à mission, notamment à travers plusieurs questionnements :
Une formulation vague des objectifs
Le premier écueil que l’on peut rencontrer, c’est dans un premier temps la formulation d’objectifs et de raisons d’être parfois assez flous pour être contournés ou interprétés à son propre avantage. Typiquement, l’une des premières entreprises françaises à devenir entreprise à mission a défini la raison d’être suivante : Nous supportons le développement de la connaissance, de l’éducation et de la recherche dans une approche pluriculturelle et contribuons au développement de l’excellence scientifique et technologique. Partout dans le monde, nous permettons à nos clients et à nos collaborateurs, et plus généralement au plus grand nombre, de vivre, travailler et progresser durablement et en toute confiance dans l’espace informationnel. Concrètement, si cela semble effectivement louable, on peine à distinguer quels outils de mesure concrets peuvent permettre d’évaluer le succès de la mission de l’entreprise tant l’énoncé de celle-ci semble libre d’interprétation. Si l’opération de communication est consensuelle et fédératrice, celle de transformation à impact positif de l’entreprise est moins certaine.
La méthode SMART semble ainsi indiquée pour définir les objectifs de sa mission d’entreprise. Il s’agit de se doter d’objectifs Spécifiques, Mesurables, Ambitieux, Réalistes et Temporellement définis, qui permettent de donner une substance concrète aux engagements d’entreprise, au-delà des beaux discours.
Deuxième écueil : celui de l’effet d’annonce
Le grand public aura tendance à davantage retenir les déclarations officielles d’une entreprise souhaitant (re)dorer son image que le non-respect de sa mission. Les pénalités juridiques et éventuels bad buzz encourus peuvent ne pas peser lourd dans la balance d’une entreprise face au coup de pub que peut constituer l’inscription d’une raison d’être et d’objectifs louables à ses statuts. On se trouverait donc alors face à un bien pour un mal (le cousin boiteux du « mal pour un bien »). Quelles mesures incitatives et pénalités mettre alors en place pour que le non-respect de la mission de l’entreprise soit dissuasif, sans pour autant dissuader les entreprises de se doter de mission ?
C’est malheureusement là que le bât semble blesser : aucune sanction financière n’est prévue pour les entreprises qui manquent à leurs engagements. L’unique sanction encourue est la perte du statut d’entreprise à mission, accompagnée d’une possible perte de légitimité auprès des pairs et du grand public.
La question de la sanction financière
L’absence de sanction financière n’est cependant pas nécessairement une mauvaise chose : une entreprise peut être très sincère dans la définition de sa mission et ne simplement pas parvenir aux résultats escomptés sans que sa démarche ne comporte de malice. Deux codes éthiques s’opposeraient alors : celui qui s’appuie sur les intentions, et celui qui s’appuie sur les résultats. Idéalement, il faudrait les deux pour que l’action vertueuse d’une entreprise soit pérenne, mais faut-il pour autant pénaliser celle qui est pétrie de bonnes intentions mais n’atteint pas ses objectifs ? Et comment d’ailleurs s’assurer de la sincérité des intentions, sinon par les actions menées et leurs résultats ?
Il semblerait donc que, à même titre que la définition d’objectifs clairs et mesurables plutôt que l’emploi de termes flous et génériques est crucial pour donner de la substance à sa mission, la mise en action soit clé quels que soient les résultats obtenus – quitte à adopter une approche test and learn au cas où les résultats ne soient pas à hauteur des espérances.
Un choix de missions parfois trop complexes à atteindre
Un autre écueil soulevé par Philippe Silberzahn et Béatrice Rousset dans un article pour Harvard Business Review : le fait de se donner une mission trop éloignée de son cœur d’entreprise, qui la rend difficilement applicable lors de sa mise en action concrète, du fait qu’elle représente un frein à ce que les auteurs appellent la « mission intérieure ».
Ils recommandent ainsi d’identifier avant toute chose le moteur existant de son organisation (pour de l’agro-alimentaire : permettre à la population de se nourrir et rester en bonne santé, pour les transports : permettre aux gens de se déplacer pour travailler, voir des proches, etc.) et lui faire passer la vitesse supérieure afin d’assurer un plus grand impact positif sans altérer le business existant. Ils résument cette action à travers les mots de Marguerite Yourcenar : « le véritable courage consiste moins à se dépasser qu’à s’atteindre ».
Pour aller plus loin sur la définition de votre mission d’entreprise et son application pour remplir vos objectifs à impact positif sur la société et/ou l’environnement, nous vous invitons à contacter nos équipes : contact@changefactory.fr !
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